T'as l'air morose.
Allongé sur la mousse, il mâchonne une brindille et étire sa longue silhouette brune.
Oh je sais ce que tu penses, je te connais trop bien quand tu fais cette tête-là.
Oui l'espèce humaine est sans cœur, particulièrement envers ce qui ne lui ressemble pas.
Comment ? Bien sûr que ça ne date pas d'hier, ça fait un bail que l'Homme est cupide, arrogant, égoïste et destructeur. Mais tu ne peux pas porter tout le malheur du monde sur ton dos . Savoir que tu n'y peux rien changer n'est pas suffisant pour tracer ta route et profiter de l'instant en mettant pour un temps des oeillères sur le reste ?
Tu ne dis rien.
Et bien tu vois, au final, j'aime savoir que tu possèdes cette conscience du monde. Tu as raison. On ne doit pas fermer les yeux, même si ça fait un putain de mal. Pas tout savoir, ça non, on y perdrait son âme, mais savoir, comme une sorte d'obligation civique. Et quand on peut, aider. Même si c'est une goutte d'eau dans un océan de merde.
Et une chose est sûre, l'enfer sera chaud pour les salauds de ce monde, à la fin faudra bien qu'ils paient la facture.
Je vois bien qu'il n'y croit pas une seconde.
Une à une, il étire ses six pattes. Sa longue carcasse brune tremble un peu puis se fond dans les vrilles du lierre.