[Rêves et chimères] Acte 1: Avril

L’enfance, on y revient toujours.

Inévitablement.

Cioran a écrit qu’il donnerait tous les paysages du monde pour celui de son enfance.

Cette réalité grave, mystérieuse, faite d’odeurs, de détails, qu’un rien alimente et qui finit par être balayée, enfin croit-on…

Et pourtant l’enfance, on y revient toujours.

Ce soir, j’aimerais te raconter une histoire.

Celle de deux enfants, et d’un rêve qui les transporte…

Certaines personnes font connaissance au parc, en y surveillant leurs enfants (mais qu'il est beau ! Et quel âge il a ?? bla, bla, bla). 

D'autres dans l'ascenseur, en revenant de promener leur chien (mais qu'il est beau ! et c'est quelle race ?? bla, bla, bla).

 Moi, c'est toujours sur l'asphalte que je fais les plus belles rencontres.

Avril

Un matin d’avril dernier, m’étant levée très tôt, ce qui m’arrive rarement quand je suis en vacances, j’ai décidé d’aller faire un tour jusqu'à la civilisation et chercher des croissants...

Peut-être juste un prétexte pour descendre dans la vallée,  alors que Dave Brubeck  égraine les premières notes de Koto Song dans le cocon de l’habitacle de la Jaguar.

Et en ville, je suis tombée sur un mirage : Dans les rayons du soleil matinal, elle m'a fait de l'oeil, et j'ai oublié tout le reste.

Une Traction 15/6 de 1950 selon son propriétaire. J'ai juste un petit doute quant à la date exacte:

Avril ou mai 1950, c'est quasiment exclu, à cette période les jantes d'origine étaient des Lambert-Nivelles, Michelin étant en grève. 

En juin, le volant est passé de 3 à 2 branches, donc exclu également.

Probablement premiers mois de l'année 1950 donc.

 Mais  je m'égare. Inévitable discussion qui s'engage : mais qu'elle est belle, et où l'avez-vous dénichée?? et bla, bla, bla...

 Et là, proposition tout à fait indécente : le charmant conducteur me propose de me faire voir la bête qui sommeille sous son capot. 

Je suis (censée être) une petite lady, c'est donc le genre de propositions que je n'accepte jamais à la première rencontre. Mais là, je ne sais pas, j'ai craqué. Enfin c’est le vernis de la lady qui s’est fendillé… 

Et je n'ai pas été déçue 

J’en ai totalement oublié mes croissants.

 Puis le temps qui dit-on efface tout m’a fait oublier cette rencontre.

Et ce rêve de 15/6…

Pour un temps.