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Ce soir, je vais te raconter ma dernière soirée sous le plus joli chapiteau du monde. Le plus petit aussi, certainement.

Imagine le soir qui tombe et un tout petit chemin qui serpente entre les arbres, à peine tracé. Quinze petits artistes en herbe, en file indienne, qui se hâtent vers un étrange lampion géant, tout rouge, sur fond de lune et de nuit étoilée. Je connais le chemin par cœur, suivons-les en silence.
Cet endroit au milieu de nulle part a une magie toute particulière…
Nous nous glissons derrière la toile entrouverte et là…c’est un autre monde.
Balles à jongler, foulards multicolores, quilles argentées, nez rouges et costumes scintillants, monocycles, et même un lama au bout de sa corde qui nous fixe d’un air bizarre…méfions-nous ! Tout est une invitation au rêve…


Et quand les premières notes de musique retentissent et que les quinze petits artistes entrent en scène, fiers par avance de nous montrer en avant-première ce dont ils sont capables, la magie commence…
J’adore les voir sous ce jour-là, leur véritable jour finalement, loin de l’univers de la salle de classe. Juste des enfants. Ils montrent toute leur sensibilité, tout leur potentiel et arrivent toujours à me surprendre et à m’émerveiller. Un petit gars de onze ans, pour qui l’école est une véritable torture, grimpe sur une boule plus haute que lui et se met à jongler avec trois balles, puis à sauter à la corde, véritable défi à la pesanteur. Et dans ses yeux, il y a toute la fierté du monde, la fierté de montrer que lui aussi excelle dans son domaine. Deux autres gamins, qui dans la cour de l’école ne se supportent pas et en viennent fréquemment aux mains nous présentent un numéro de clown, et dans leurs regards échangés, il n’y a plus que de la complicité. Un autre univers…
Ils ont fini de nous émerveiller, maintenant, la piste est à nous, c’est la tradition.
Et les professeurs d’un soir, c’est eux. A leur tour de nous transmettre ce qu’ils ont appris l’après-midi avec les « pros ». Montrer, expliquer, corriger, ça fait aussi partie de leur apprentissage.


J’avais envie depuis longtemps de m’essayer au fil. Un petit défi personnel. Imagine deux petites plate-formes rondes, d’une quarantaine de centimètres, et entre les deux, un filin d’acier de dix mètres, tendu à bloc à cinquante centimètres du sol. .. Mon petit professeur particulier prend son rôle très au sérieux : Miss, regardez très loin devant vous, et avancez doucement, c’est très facile et vous ne risquez rien, si vous perdez l’équilibre rattrapez-vous aux deux petites cordes qui coulissent au dessus de votre tête. Je lève les yeux et attrape les deux petits cordons qui sont censés assurer mon équilibre.
On regarde loin. On y va…Un pas. Deux. La sensation du filin d’acier sous mes ballerines n’est pas désagréable. Trois pas, quatre. Pas si difficile au final. Je me risque à lâcher les deux petites cordes…tant pis si je n’arrive pas au bout, j’en ai vraiment envie alors je lâche tout ... Encore deux pas de danseuse…je m’accroupis, sur l’ordre de mon petit professeur particulier. Et là …
Les tapis de gym sont là pour amortir la chute . Pas grave, j’y retourne ! Je suis plutôt du genre entêté, tu sais…
C’est une sensation étonnante que de marcher ainsi dans l’air, bras en balancier pour rétablir l’équilibre. Il va me falloir pourtant quelques heures d’entraînement pour arriver à la cheville du petit lutin qui rit de ma maladresse et court avec grâce d’une plate-forme à l’autre…


Mais rien ne me fascine autant que le trapèze. A chaque fois, j’y passe ma soirée, je ne résiste pas à la poésie des figures entre ciel et terre.
Le maître de cérémonie attache le harnais autour de ma taille et dans ma tête, je suis déjà tout là-haut. Une, deux, trois. Impulsion des jambes, bras tendus vers le haut et hop ! la corde me hisse jusqu’aux agrès. Je me balance, tendue, une fois, deux fois, à la force des poignets et hop…on passe les jambes au dessus de la barre et on se rétablit.
Assise là-haut, sous le plafonnier, à la hauteur des projecteurs, la piste paraît singulièrement plus petite, cinq mètres plus bas.
Debout. Je monte mes mains au maximum sur les cordes, pieds à chaque extrémité de la barre et hop, on se balance. Je sens mon cœur qui bat….l’air qui siffle à mes oreilles.
J’ai pris assez d’élan, je m’assieds, et fuiiittt, je me laisse glisser et assure ma prise au creux des genoux, verrouillée. Un petit balancier tout de noir vêtu, avec une tresse d’ébène qui rebondit…
Arrêt. Je me rétablis et m’assieds, sur le côté, mon dos contre une corde, mon pied gauche contre l’autre, jambe tendue pour assurer mon équilibre, jambe droite repliée et …on lâche les mains. On ne respire plus, concentration totale sur le poids du corps et puis…Un instant de poésie. Un moment à part, entre ciel et piste. Je ne pèse plus rien, je suis un oiseau sur sa branche. Une bulle de savon, entre ciel et terre. Sourire…
Je reprends la corde derrière ma tête et tends tout mon corps comme un arc vers le haut, parenthèse sombre vers le ciel…et là, bien que je l’aie fait des dizaines de fois…
Mon pied a glissé sur la corde et c’est allé très vite, j’ai eu l’espace d’une seconde la sensation que le harnais ne me retenait pas, que j’allais tomber comme une pierre. J’ai fermé les yeux. Et puis le costaud qui m’assurait en bas a fait son office…je suis redescendue tout en douceur, le long de mon fil.
Ca m’apprendra à être trop sûre de moi, la pesanteur a toujours le dernier mot, belle leçon de sagesse !
Allez, au suivant, je laisse ma place !
J’ai enlevé mon harnais et je suis venue rejoindre mon collègue, dans l’obscurité des gradins.
J’avais les yeux pleins d’étoiles… « Même pas eu peur ! » 
Et il a été assez adorable pour ne pas me faire remarquer que mes mains tremblaient encore un peu…


Clown, acrobate, jongleuse, écuyère
Ce soir je marche sur un fil , et je m’envole au plafonnier
Dans l’ombre ou en pleine lumière
Je sais faire rire ou faire rêver.

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Viola

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  • : Viola's book of mirrors
  • : "C'est parce que Shakespeare ne parle jamais de lui dans ses pièces que ses pièces nous le révèlent complètement, et nous montrent même mieux sa véritable nature et son tempérament que ces sonnets étranges et exquis où il met à nu pour les yeux lucides le trésor secret de son coeur. Oui, la forme objective est, en définitive, la plus subjective. L'homme cesse d'être lui-même dès qu'il parle pour son propre compte. Donnez-lui un masque et il vous dira la vérité." Oscar Wilde, Intentions
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