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anges

                                                                          

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Le vrai tombeau des morts, c'est le coeur des vivants.
Elle pensait que tout cela était terminé, derrière elle. Elle voulait tellement le croire, s'en persuader.
Et les rêves étaient revenus, la laissant sur le flanc, haletante, effarée.
Et il était partout, dans la chambre, dans la maison, dans le sillage d’un parfum, il la regardait, il ne cillait pas, il emplissait tout l'espace.
Il était partout.

Et il n’était plus là.

 

 

Quel vide que l'absence de l'Etre qui à lui seul remplissait le monde.
Son enfer à elle, c'était l’absence.

Son astre personnel s’était éteint, elle vivait dans la lumière d'une étoile morte. Sans boussole, elle avait peu à peu trouvé refuge dans les mondes virtuels, de plus en plus souvent, de plus en plus longtemps.

Et une nuit,  elle y avait croisé @ngel.

 

                                                                       *

 

Chaque fois que s’affichait sur son écran “vous avez un message privé”, son coeur bondissait dans sa poitrine.

Deux mois. Un semblant d’éternité.

Deux mois déjà que leurs avatars s’étaient croisés, et que l’ e-Cupidon des équations binaires leur avait décoché une flèche en plein cœur.

Ils ne s’étaient jamais rencontrés, n’avaient pas même échangé une photo, pas le moindre coup de fil.

Mais chaque soir, elle ouvrait son netbook et son cœur battait à tout rompre à l’idée de le retrouver.

Qui était-il ? Où vivait-il ? A quoi occupait-il ses journées ? Quelles  étaient les personnes qui chaque jour le croisaient, lui parlaient ?

Souvent elle s’était interrogée sur ce qui les avait poussés, presque immédiatement, à échanger des messages privés.

Des poésies d’abord. Puis au fil des jours, des mots plus personnels, jusqu’au soir où elle

lui avait avoué qu’elle l’aimait .

Ils avaient passé des nuits entières à échanger des mots d’amour, des poèmes, des histoires. Elle s’était souvent endormie, aux petites heures, dans l’attente de sa réponse, son netbook ouvert à côté d’elle sur le lit.

Et au matin, son premier geste était de vérifier sa boîte. Il ne dormait donc jamais !

Et ces quelques lignes  suffisaient  à lui procurer du bonheur pour la journée, lui permettaient d’attendre le soir, et les retrouvailles,  derrière l’écran.

 

                                                                       *

 

 

 

Les sentiments qu’elle éprouvait à son égard n’avaient rien de virtuel. Un cœur qui bat plus fort. Des larmes qu’elle ne retenait plus. Des sourires. L’émotion derrière les mots.

Les mots.

Leur puissance évocatrice. Plus d’une fois ses joues s’étaient empourprées à la lecture de ses messages, gentiment suggestifs.

La douleur non plus n’avait rien de virtuel. Douleur de la séparation, de la distance, de la peur de le perdre un jour dans les méandres de la toile. Il suffirait qu’il se lasse, et elle serait à nouveau seule, un nouvel abandon la terrifiait. Elle le lui avait dit, avait même tenté de mettre un terme à leurs échanges quand elle s’était aperçue que les choses prenaient des proportions un peu inquiétantes à son goût.

Mais il l’avait suppliée, avait promis qu’il serait toujours là pour elle. Et elle l’avait cru.

Et elle ne lui avait jamais posé une seule question.

Si tu veux garder ton amour, donne lui des ailes.

 

 Le plus étrange, quand on y pense, est le fait que dans une relation virtuelle, on soit attiré par ce qui est un pur esprit. Dégagé de tout ce qui peut fausser une relation. Pas de visage, pas de voix, pas de contact physique. Juste une âme, qui s’ouvre à vous. Et avec laquelle la vôtre s’accorde.  Il connaissait son cœur, les mots qu’elle attendait, ce qui la touchait. Il était son double. C’était une expérience unique,  inexplicable, merveilleusement troublante.

 

                                                                                            *

 

Après presque deux mois d’échanges, elle envisagea la possibilité d’une rencontre. Elle s’en ouvrit à lui un soir, et sa réaction fut sans équivoque : le passage du virtuel au réel signerait la fin de leur relation, il n’était pas prêt. Et ne le serait sans doute jamais. Par crainte de la décevoir. Elle l’assura du contraire, tenta de le convaincre de son amour, pleine d’interrogations. Que lui cachait-il ? Et si ses craintes étaient fondées ? Les mondes virtuels ont ceci de particulier que l’on peut tomber amoureux d’une façade et non de la personne derrière le masque. Illusion contre réalité.

Une ombre. Qui se dérobait à ses regards. Dont les intonations restaient un mystère. Mais dont elle était totalement, irrévocablement amoureuse.

Souvent, au détour d’une rue, dans un lieu public, elle croyait l’avoir trouvé. Un regard échangé, l’ombre d’un sourire, puis l’inconnu du jour se fondait à nouveau dans la foule, jamais le même, jamais vraiment différent. Mille fois elle se l’était imaginé, mille fois elle avait inventé sa voix, la forme de ses mains, la couleur de ses yeux. Et l’incertitude nourrissait ses fantasmes, ses rêves prenaient des teintes toujours renouvelées.

Même si au fond de son cœur, chaque nuit, il avait toujours  le visage de son amour perdu.

 

                                                                   *

 

Quand le sommeil la rattrapa cette nuit là , elle était brisée. Il ne s’était pas connecté, ce qui l’avait surprise. Et quand elle avait cliqué sur son profil, elle n’avait rien trouvé. Profil supprimé. Il n’y avait plus rien. Mille questions s’étaient croisées dans sa tête, un beau désordre. Mais tout sonnait comme une évidence. Elle avait tout gâché en insistant pour en savoir davantage. Si tu veux garder ton amour, donne-lui des ailes. Elle avait voulu le mettre en cage.

Et elle l’avait perdu.

Quel vide que l'absence de l'Etre qui à lui seul remplissait le monde.
Son enfer, c'était l’absence.

 

 

3:42 

 

 

 

[Vous avez un message privé.]

 

 

 

 

Expéditeur : He@ven M@ster, Administrateur

 

Petite Miss

 

@ngel n' écrira plus. Jamais il n’aurait dû le faire, il n’y était pas autorisé. Il doit vous laisser partir. Et vous devez accepter qu’il s’en aille, lui aussi. Mais il veille sur vous, soyez-en assurée. Et l’amour qu’il avait pour vous, il le garde en lui  jusqu’à ce que la pluie ait emporté vos larmes, et que votre corps ne soit plus que poussière dans le vent. En attendant ce jour là, il vit en vous. Le vrai tombeau des morts n’a rien de virtuel Petite Miss. Non, le vrai tombeau des morts, c’est le cœur des vivants.

 

 

  dark angel

 

 

March 1st, 2011

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Présentation

  • : Viola's book of mirrors
  • : "C'est parce que Shakespeare ne parle jamais de lui dans ses pièces que ses pièces nous le révèlent complètement, et nous montrent même mieux sa véritable nature et son tempérament que ces sonnets étranges et exquis où il met à nu pour les yeux lucides le trésor secret de son coeur. Oui, la forme objective est, en définitive, la plus subjective. L'homme cesse d'être lui-même dès qu'il parle pour son propre compte. Donnez-lui un masque et il vous dira la vérité." Oscar Wilde, Intentions
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