Infodémie et thèses complotistes, infection des corps, contamination des esprits

La Terre est plate, le Soleil tourne autour, l’Homme n’a jamais marché sur la Lune, la CIA a créé le Covid-19 pour tuer l’économie chinoise (à moins que les Chinois n’en aient fait autant pour tuer l’économie américaine) et Bill Gates veut soumettre et réguler la population mondiale en vaccinant massivement à la nanopuce.

Quand un déséquilibre organique se produit, on assiste en parallèle à des déséquilibres de fonctionnement des esprits. Emergent alors des syllogismes paranoïaques aux prémisses plus que discutables, des dogmes jusque là latents deviennent patents.

Toute situation de crise rend plus perméable aux théories du complot. D’une part les erreurs de communication et les défaillances du gouvernement  ont entamé la confiance déjà toute relative des citoyens et entraîné une défiance généralisée vis-à-vis des autorités et des medias qui leur sont assujettis.

D’autre part, les réseaux sociaux , qui peuvent être un formidable espace de solidarité, peuvent également devenir  l’espace privilégié où éclatent de formidables orages, non pas cytokiniques mais d’interprétations paranoïaques et d’extrapolations hasardeuses.

L’Homme a un besoin viscéral de certitudes absolues. Certitudes que la science ne peut pas lui fournir, ne pouvant délivrer que des faisceaux d’indices et des vérités partielles, à l’instant « t ». Il devient alors aisé de s’engouffrer dans la faille et de proposer des scénarii cochant toutes les cases, apportant une vision globale, structurée, argumentée d’une réalité où complot et domination de l’humanité par une élite malveillante sont des thèmes récurrents. Le nombre de vues et les commentaires souvent édifiants sous les vidéos des lanceurs d’alertes comme Casasnovas, Trotta ou Crèvecoeur sont révélateurs de ce besoin de  vérités péremptoires. L’histoire est claire et bien ficelée, c’est simple et pur comme l’eau d’un glacier des Alpes.

On s’adresse ici au cerveau reptilien déjà hypersollicité en cette période de terreur médiatique bien entretenue, d’injonctions paradoxales et de privation des libertés individuelles. L’esprit en situation de dissonance cognitive est perméable. La Fondation Jean Jaurès s’est penchée sur le phénomène et le bilan est sans grande surprise, à savoir que les générations les plus jeunes et les catégories sociales les plus défavorisées sont les plus perméables au phénomène d’infodémie.  L’instantanéité frénétique des réactions, sans vérification ni hiérarchie des bruits relayés offrent aux conspirationnistes une caisse de résonance sans précédent. Ajoutez à cela le manque d’éducation à l’information que seule une véritable pédagogie du décryptage peut combattre. Rien que pour ça les enfants doivent reprendre le chemin de l’école.

Evidemment, la profusion de délires conspirationnistes ne signifie pas non plus que les conspirations n’ont jamais existé. L’histoire est jalonnée de vrais complots, combien de latinistes dont je fus ont transpiré sur la conjuration de Catilina pourfendue par Cicéron. Mais en attendant l’embellie pulmonaire, évitez quand même d’aller brûler une antenne 5G.