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Il la regarde en souriant. Danseuse. Chacun de ses gestes le laisse deviner.

Ses jambes exercent sur lui une fascination particulière. Fines et gracieuses, revêtues de bottes noires à talons hauts dont le cuir semble aussi fin qu’une seconde peau, et ornées à chaque cheville de breloques argentées qui tintent à chacun de ses pas.

Elle ouvre la portière et se penche dans l’habitacle pour se saisir d’un objet. Sa silhouette sombre se détache sur le cuir champagne des sièges, comme une ombre sur un mur, en plein soleil. Elle se redresse, son téléphone à la main. Debout à côté de la portière ouverte, elle fait courir ses doigts sur l’écran. Son sourire creuse une petite fossette à sa joue gauche.

Il  aimerait  être l’auteur du message qui la fait sourire ainsi.

Il  veut se souvenir de chacun de ses gestes, il sait que cet instant est aussi éphémère que l’éclat que jette parfois l'opale  imposante qu’elle porte à la main gauche.

Seul compte le moment présent, un instant de grâce et de pure séduction, dont il emportera le souvenir avec lui, pour le ressortir et s’en draper, les jours de grisaille.

Elle est comme une bulle de savon, douce, légère et fragile, et s’il la laisse s’envoler, elle disparaîtra pour toujours.

Il n’a pas envie qu’elle disparaisse.

 

                                                                   

 « Vous devriez essayer le Thaï jasmin, c’est une jolie expérience gustative. »

 

Il  se tient juste derrière elle, dans le rayon .

Il lui sourit, et ce sourire transfigure totalement son visage. Il sourit avec les yeux.

La discussion s’ engage, légère et sans conséquence, première approche prudente à laquelle elle répond sans hésiter tant il est charmant.

 

« Je ne peux pas vous laisser partir comme ça, je sais que j’en aurais d’infinis regrets. Allons prendre un verre, vous avez bien un petit quart d’heure »

 

Il est si simple d’échanger sur ce qui n’est rien, et de taire ce qui est tout. Elle a appris à se  taire. Les mots, comme les coups de feu, partent parfois tout seuls. Et ils savent de nous des choses que nous ignorons d’eux.

 

Quand ils se séparent, il insiste pour lui laisser son numéro.

Il  la regarde de ses yeux  rieurs à l’étonnante couleur ultramarine.

 

« Vous êtes une drôle de fille, un vrai mystère. »

 

C’est étrange à entendre, cette petite phrase qui revient si souvent.

 

Elle n’a pourtant pas conscience d’en être un, mais force est de constater que c’est l’image qu’elle renvoie.

Un mystère…A ses yeux, tout est pourtant si clair, si transparent. L’éternelle solitude de son coeur, sous le masque de la légèreté qui lui va si bien.

Les apparences sont souvent trompeuses, elle est bien placée pour le savoir. On l’aime pour son apparence, comme on aime un livre pour sa reliure, sans prendre la peine d’en tourner les pages.

L’amour véritable n’est pas aveugle : il est visionnaire. Il reconnaît la divine perfection de l’être aimé au-delà des apparences auxquelles le regard des autres s’arrête. Jamais on ne l’a regardée ainsi. Elle finit par penser que finalement, les apparences doivent être vraies. Que le vrai mystère du monde, c’est le visible.

 

 

« J’ai le sentiment que vous ne m’appellerez pas. Mais j’attendrai quand même que vous le fassiez. J’aimerais vraiment que vous le fassiez. Il y a dans l’existence des rencontres imprévues, en apparence anodines, et qui sont le don du Destin. Tout au moins  faut il tenter sa chance. Entre un chagrin  et des regrets, je choisis  les larmes, parce qu’elles finissent  par sécher. Et parce que quoi qu’il arrive, on y gagne toujours.»

 

Elle se demande ce que peuvent bien devenir les larmes qu’on ne verse pas. Tombent-elles derrière les yeux, derrière le masque du visage, jusque dans le cœur ?  

 

Elle met quelques minutes avant de se décider à mettre le contact. En croisant son propre regard dans le miroir de courtoisie, elle se dit qu’en amour, on prend peut-être les yeux de l’autre comme on prend un miroir, pour s’y admirer à loisir. Peut-être pas. Personne, pas même les poètes, ne sait cela. Personne ne sait ce qu’un cœur peut contenir. 

 

Elle laisse courir ses doigts aux ongles bleu piscine sur l’écran du smartphone. En supprimant son numéro, elle se dit qu’elle ne lui a même pas offert son prénom.

 

 

 

Viola, in Illyria, October 10th, 2011

 

 

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  • : Viola's book of mirrors
  • : "C'est parce que Shakespeare ne parle jamais de lui dans ses pièces que ses pièces nous le révèlent complètement, et nous montrent même mieux sa véritable nature et son tempérament que ces sonnets étranges et exquis où il met à nu pour les yeux lucides le trésor secret de son coeur. Oui, la forme objective est, en définitive, la plus subjective. L'homme cesse d'être lui-même dès qu'il parle pour son propre compte. Donnez-lui un masque et il vous dira la vérité." Oscar Wilde, Intentions
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